Le petit ver qui change la médecine

Vieillissement en santé, stress, troubles neurodégénératifs, microARN, cancer… c’est une longue liste de sujets de recherche en santé, et tout commence par C. elegans, un minuscule ver rond qui joue un rôle fondamental dans le domaine de la génétique.
Caenorhabditis elegans est un nématode de 1 mm de long qui se compose de 1 000 cellules, un système nerveux simple et six ensembles de chromosomes. Il vit environ 30 jours. La simplicité de l’animal en fait un organisme parfait pour la recherche génétique.
Selon le généticien Dr Stefan Taubert, C. elegans est « un outil de découverte ». Son laboratoire au Département de génétique médicale de l’Université de la Colombie-Britannique étudie les réactions au stress au niveau cellulaire chez C. elegans, les souris et les cellules cancéreuses, notamment les températures élevées et basses, la famine et la faible teneur en oxygène.
« Nous posons des questions précises et découvrons la réponse avec C. elegans avant d’aller de l’avant », explique le Dr Taubert. « Le processus de découverte commence avec les organismes les plus élémentaires, comme C. elegans, ensuite on se tourne vers les mammifères. »

La Dre Julie Claycomb, chercheuse à l’Université de Toronto, est bien d’accord avec cette perspective du Dr Taubert. Elle a consacré toute sa carrière à l’étude de ces vers, même si, comme elle l’admet d’emblée, elle ne les aimait pas trop au début. « Nous étudions C. elegans pour déterminer comment les choses fonctionnent. Il s’agit d’une recherche fondamentale axée sur les découvertes qui a des répercussions sur la santé humaine deux ou trois étapes plus loin », explique-t-elle.
Cette recherche en aval commence à porter ses fruits et a même donné lieu à des prix Nobel. Par exemple, le prix Nobel 2024 de physiologie ou de médecine a été décerné à Victor Ambros et à Gary Ruvkun pour leur découverte du microARN utilisant C. elegans comme organisme modèle. Les travaux actuellement menés au laboratoire de la Dre Claycomb (en anglais seulement) mettent également l’accent sur le microARN utilisant C. elegans pour mieux comprendre les processus liés à l’expression des gènes et à l’interférence ARN.

Des molécules d’ARN de petite taille comme les microARN, qui sont présentes dans toutes les cellules humaines, auront une grande incidence sur la recherche en santé, avec comme modèle C. elegans. Et la génération de chercheurs qui feront la prochaine grande découverte avec C. elegans, que ce soit pour la maladie de Huntington ou le vieillissement en santé, en toxicologie ou en transcription de l’ARN, est déjà en cours de formation dans les laboratoires des docteurs Taubert et Claycomb.
« C. elegans est un organisme fantastique pour former de nouveaux scientifiques et leur apprendre à faire des expériences, explique la Dre Claycomb, qui a présenté les petits nématodes à des étudiants de premier cycle et à la classe maternelle de son fils. Ils représentent un outil tangible et accessible pour la génétique, la biologie moléculaire et la génomique. »
En bref
L'enjeu
Avant qu’un traitement ne soit disponible pour les humains, la recherche commence avec les organismes modèles, l’un des plus courants étant le nématode Caenorhabditis elegans. Avec ses 1000 cellules et des organes très simples, C. elegans est un excellent premier spécimen pour la recherche génétique.
La recherche
D’innombrables projets commencent avec C. elegans, de la recherche sur le cancer jusqu’aux maladies neurodégénératives, et des pathogènes jusqu’au vieillissement en santé. Au Canada, des chercheurs utilisent C. elegans pour évaluer la réaction cellulaire au stress, stopper la croissance de protéines amyloïdes dangereuses et faire des découvertes révolutionnaires dans le domaine des microARN.
Du labo à la cérémonie des prix Nobel
Ce petit ver nommé C. elegans a joué un rôle central dans des travaux ayant mené à quatre prix Nobel :
- 2002 (en anglais seulement) — Pour des découvertes concernant la régulation génétique du développement des organes et de la mort cellulaire programmée
- 2006 (en anglais seulement) — Pour la découverte du phénomène d’interférence par l’ARN, qui permet de réduire un gène au silence
- 2008 (en anglais seulement) — Pour la découverte et le développement de la protéine fluorescente verte
- 2024 (en anglais seulement) — Pour la découverte du microARN et de son rôle dans la régulation post-transcriptionnelle des gènes
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